Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux

Édition du mardi 5 décembre 2017
Aménagement du territoire

Le Cerema en pleine tourmente

Mais que se passe-t-il au Cerema ? Après la démission de son président, en septembre, c’est maintenant son directeur général, Bernard Larrouturou, qui claque la porte, sur fond de mouvement social chez les agents et de réduction constante des moyens de l’agence.
Le Cerema (Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement) a été créé par une loi du 28 mai 2013, et il est né officiellement le 1er janvier 2014 de la fusion de multiples organismes : le Certu, les huit Cete, le Cetmef et le Sétra. Doté à l’origine d’un budget de 250 millions d’euros, l’organisme comptait en 2014 3 300 agents répartis dans une soixantaine de pôles. Il avait, au moment de sa création, cristallisé les espoirs de nombreux élus qui y voyaient, comme le disait son premier président, Pierre Jarlier, « un interlocuteur unique pour les collectivités, aux compétences très variées ». Le Cerema devait « permettre aux collectivités d’être étroitement associées à la mise en œuvre des politiques de l’État en matière d’ingénierie stratégique », expliquait le maire de Saint-Flour à Maire info, le 21 mai 2014.
Mais au fil des années – et des coupes budgétaires – la réalité s’est révélée moins rose. Les travaux du Cerema ont continué de se faire, ils sont toujours aussi précieux pour les élus – puisque le champ de compétences du Cerema recouvre la quasi-totalité de celles des maires en matière de développement durable. Mais de leur côté, les gouvernements successifs ont apparemment surtout vu dans le budget du Cerema une intéressante variable d’ajustement pour faire des économies. Dans le premier communiqué de presse du ministère de l’Écologie qui mentionne la création du Cerema, daté du 30 décembre 2013, il est fait mention d’un budget de « 250 millions d’euros ». Il se composait en réalité d’une subvention de l’État de 225 millions d’euros et d’environ 25 millions de ressources propres. Déjà à l’époque, les syndicats dénonçaient une subvention insuffisante eu égard aux coupes budgétaires que les onze services fusionnés dans le Cerema avaient continûment subies dans les années précédentes.
Mais au fil des années, les coupes se sont poursuivies : dans le budget 2017, la subvention était tombée à 206 millions d’euros et 500 postes avaient été supprimés. Le nouveau gouvernement ne déroge pas à la règle : dans le projet de loi de finances pour 2018, il est prévu une nouvelle baisse de la subvention de 5 millions d’euros, et la suppression d’une centaine de postes de plus. Pire : les textes prévoient que ces coupes, tant en matière budgétaire que sur les effectifs, devront être reconduites chaque année jusqu’en 2022. Et ce, malgré les « alertes »  lancées par les associations d’élus, comme cette lettre commune du 28 juin dernier signée des présidents de l’AMF, de l’AdCF, de Régions de France, de Villes de France et de l’AMRF, dénonçant « des réductions d’effectifs et de crédits beaucoup plus fortes [pour le Cerema] que les autres établissements publics ».
C’est dans ce contexte que le 4 octobre, Gaël Perdriau, maire de Saint-Étienne et président du Cerema, a démissionné avec fracas, expliquant qu’il refusait d’être « le fossoyeur du Cerema ». « Tout est remis en cause par la recherche quasi obsessionnelle, de la part du gouvernement, d'économies », écrivait alors Gaël Perdriau, rappelant que le Cerema a été créé pour être « un outil et une ressource au service des collectivités pour les accompagner dans leurs projets de développement ». Gaël Perdriau avait alors reçu le plein soutien du président de l’AMF, François Baroin.
La situation s’est tendue encore davantage lorsque le 18 octobre, le directeur général du Cerema, Bernard Larrouturou, a annoncé sans la moindre concertation préalable un projet de fermeture pure et simple de la direction territoriale Île-de-France. Il reconnaîtra d’ailleurs par la suite avoir « manqué »  aux règles élémentaires du dialogue social. Cette annonce a été la goutte d’eau qui a fait déborder le vase et a déclenché un important mouvement social au sein du Cerema – comme on a pu le voir aux portes du Congrès des maires, en novembre. Le 1er décembre, jour du conseil d’administration qui devait permettre d’élire un nouveau président en remplacement de Gaël Perdriau, un appel à la grève de tous les syndicats a été suivi par 50 % des agents – du jamais vu. Les grévistes ont physiquement empêché la tenue du conseil d’administration. Le conseil d’administration devait élire à sa tête Patricia Blanc, haute fonctionnaire du ministère de l’Écologie.
C’est dans ces conditions que Bernard Larrouturou a présenté hier sa démission, estimant « n’être plus en situation de diriger le Cerema ». Décision prise, notamment, suite au blocage provisoire par le gouvernement de son plan de restructuration.
L’impasse semble donc aujourd’hui totale. Le Cerema n’a plus ni président ni directeur général. Les syndicats sont vent debout. Le gouvernement ne semble nullement décidé à remettre en cause les coupes budgétaires considérables qui sont prévues… et les élus, qui attendaient d’avoir enfin un outil efficient d’aide à l’ingénierie locale, ont toutes les raisons d’être désemparés.
Et les annonces du président de la République au congrès des maires, le 23 novembre, ont par certains aspects apporté encore un peu plus de flou : si les associations d’élus se sont félicitées de la reprise de l’idée – initiée par l’AMF – de la création d’une Agence nationale de la cohésion des territoires, nul ne sait à l’heure actuelle quels en seront les contours et si elle va remplacer d’autres agences… à commencer par le Cerema. Le président l’a en tout cas laissé entendre, en parlant de « la suppression de beaucoup d’agences existantes qui se sont parfois multipliées ». Depuis, les rumeurs de toute sorte bruissent : qui va disparaître ? Le Cerema ? L’Anru ? Le Commissariat général à l’égalité des territoires ? Ou tous à la fois ?
Les personnels de ces agences comme les élus attendent avec impatience une réponse de l’État à ce sujet. Elle interviendra peut-être à l’occasion de la Conférence nationale des territoires, le 14 décembre prochain, à Cahors.
Franck Lemarc

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